La fille de son père

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La fille de son père

Année de sortie : 2023

Réalisation : Erwan Le Duc

Durée : 1h31

Distribution : Mohammed Louridi , Maud Wyler , Mercedes Dassy


Argument

Etienne a vingt ans à peine lorsqu’il tombe amoureux de Valérie, et guère plus lorsque naît leur fille Rosa. Puis Valérie s’en va et les abandonne. Etienne choisit de ne pas en faire un drame, ils se construisent une vie heureuse. Seize ans et demi plus tard, alors que le père et la fille vont se séparer à leur tour, chacun pour vivre sa vie, le passé ressurgit.

Cioran disait ; « le ton est ce qu’on ne saurait inventer, avec quoi on nait. C’est une grâce héritée, le privilège qu’ont certains de faire sentir leur pulsation organique, le ton c’est plus que le talent, c’en est l’essence. » Voilà ce qui frappe d’emblée dans La fille de son père.

Un ton, celui d’Erwan Leduc (qu’on avait déjà découvert dans Perdrix, son précédent film) mis au service d’une histoire en apparence banale et plutôt rebattue dans le cinéma français ; un lourd passé qui ressurgit dans la vie douce et paisible d’un père et sa fille.

Pourtant, la différence est là. Une différence de ton, comme en musique, qui nous fait subitement voir et entendre un autre point de vue qui serait celui du revers.

Etienne (N. Perez-Biscayart) n’a pas vingt ans quand il tombe follement amoureux de Valérie. De leur amour passionné et adolescent nait une fille, Rosa (C. Brunquell) que Valérie décide de ne pas connaitre en les abandonnant tous les deux sans prévenir.

Ce film aurait pu être l’histoire de cet abandon avec ses causes et ses conséquences, sauf que non. Le réalisateur comme le personnage d’Etienne fait un choix, celui de ne pas en faire un drame et de reconquérir sa liberté, aussi bien esthétique que politique.

Et c’est toute la beauté et la force du film, de s’évertuer dans chaque plan comme dans chaque réplique, à s’émerveiller du réel en le rendant signifiant d’une autre façon.

Voir le revers de la médaille comme espace vierge, libre, et finalement mieux que la médaille elle-même. Tous les personnages du film portent cette idée de façonner le réel sans qu’aucun ne tombe pour autant dans l’écueil d’un monde clôt sur lui-même. Car tout se tisse toujours en étroite relation avec l’Autre et ainsi, c’est bien la relation qui devient monde ;

D’abord Etienne et Rosa comme premier monde à inventer, puis Etienne et sa nouvelle compagne (M. Wyler), mais aussi Rosa et son ami (Mohammed Louridi, exceptionnel !).

Les binômes se forment et se déforment sans crainte ni jalousie puisqu’eux non plus ne sont jamais clôt sur eux-mêmes ; une relation Etienne / ami de Rosa se forme entre deux portes pour une scène pleine d’audace et d’humour alors qu’une autre s’est formée un peu plus tôt entre Rosa et la nouvelle compagne de son père.

Si la parole circule librement entre les êtres c’est bien parce que Erwan Leduc a justement décidé d’en faire des êtres libres et pensants, ce qui ne va pas tout le temps sans contrainte ni responsabilité. Le film va d’ailleurs chercher à interroger ces limites dans un dernier tiers de récit un peu moins réussi mais qui n’entache en rien la pertinence de ce très beau film qu’il faut donc aller voir de toute urgence.

Louise A

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Commentaires

Une réponse à “La fille de son père”

  1. Avatar de Philippe Bled
    Philippe Bled

    Un sujet difficile qui aurait pu tomber dans le pathos ou dans la violence d’ un psychodrame familial mais que le réalisateur a traité en combinant avec subtilité, la tendresse, l’ humour et beaucoup d’ intelligence. Les adolescents donnent envie de croire en un monde meilleur, les adultes prônent l’ amour et la tolérance sans la moindre mièvrerie.

    Un beau film, merci à Louise et à La Cave de nous avoir donné l’ envie de le visionner.

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